Rencontre avec Mikaël Bouges (AOC Touraine)

Mikael Bouges

Direction Faverolles dans le Loir-et-Cher avec Mikaël Bouges, vigneron amoureux de ses vignes.

Trouver des informations sur Mikaël Bouges n’est pas chose aisée. Car en dehors d’un circuit de connaisseurs alimenté par le bouche à oreille, il est peu de dire que le personnage est (trop) peu médiatisé. La faute aux médias ? Pas seulement. Rencontre avec ce vigneron discret.

Historique

Originaire de Montrichard (41) et fils de vignerons, Mikaël Bouges étudie au Lycée professionnel agricole de Montreuil-Bellay (49), où il cotoie (pour la petite histoire) un camarade qui fera parler de lui : Antoine Foucault (Domaine du Collier). L’occasion pour Mikaël de participer à de nombreuses séances de dégustation chez les Foucault, au Clos Rougeard à Saumur : « On y a goûté beaucoup de belles bouteilles, les vins du Clos Rougeard, mais aussi d’autres vignerons… Cela a sûrement influencé mon goût et ma vision du vin.»

Après avoir travaillé 5 ans avec ses parents, Mikaël décide pourtant de ne pas reprendre le domaine familial. C’est à Faverolles-sur-Cher, une commune voisine dans le Loir-et-Cher (41), qu’il décide de s’installer à son compte en 2000.

Partant de zéro, il va alors créer son domaine en achetant 5 ha de vignes et en plantant sur des parcelles qu’il choisira avec beaucoup de soin : « Avec ma grand-mère, qui connaissait très bien le coin, nous faisions le tour de toutes les parcelles disponibles pour goûter les raisins et ainsi identifier les meilleurs terroirs ». Il complétera ensuite domaine avec 2 ha en location.

La vigne : un travail de paysagiste

Aujourd’hui, le quadragénaire est à la tête de 8 hectares de vignes qu’il conduit en agriculture biologique : « J’ai converti mes vignes à l’agriculture biologique en 2002, peu après mon installation, afin que mes terroirs soient respectés au mieux et que la vie et la nature des sols ne soient pas détruites par les produits chimiques ». Le jeune vigneron, aidé par un prix du foncier encore très raisonnable, a même acheté quelques parcelles jouxtant ses vignes sans les cultiver, de manière à garder une biodiversité et faire « tampon » avec des parcelles de collègues installés en conventionnel.

Mikael Bouges-vignes

Le vignoble, à cheval sur les deux communes de Faverolles et Saint-Julien-de-Chedon, est composé pour moitié de blanc et moitié de rouge. Les cépages rouges sont principalement constitués de côt (3 ha). Le gamay et le cabernet franc se partagent le reste. Quant aux cépages blancs, ils se répartissent entre menu pineau (arbois), chenin blanc (1,2 ha) et sauvignon blanc (2,3 ha).

Des vignes qu’il aime travailler et façonner comme un tableau : « Ce qui est beau à regarder produira quelque chose qui sera bon dans le verre ». Comme il l’explique lui-même : « J’ai l’impression que l’équilibre et la douceur que l’on trouve dans mes vins se retrouve dans la vigne : Quand on regarde le sol, visuellement, on a l’impression que la terre est douce, enrobée. Il n’y a pas de dureté ou d’aspérités dans le paysage, dans ce que l’on voit. J’attache une grande importance à la beauté du paysage et au travail fait, qui se retrouve au final dans le vin. Je suis persuadé qu’il y a vraiment une influence entre ce que vit la vigne et ce qu’elle produit»

Et même si le propos peut paraitre un peu ésotérique, force est de constater que cette légèreté, cette harmonie et cet équilibre que l’on ressent sur le terrain, se retrouvent dans les vins du domaine, à la dégustation.

Les travaux commencent avec les labours d’automne, entre fin novembre et le solstice d’hiver : « Toutes les vignes sont labourées de façon à enfouir tout ce qui s’est passé dans l’année et repartir avec une année saine l’année suivante ».
La taille des vignes se fait l’hiver et les bois sont brûlés sur place dans des brûlettes : “C’est une méthode traditionnelle comme le faisaient nos grands-parents. Il faut ensuite labourer à nouveau au printemps, où l’on fait ce que l’on appelle le décavaillonnage. Puis viennent les travaux en vert : l’ébourgeonnage, l’accolage ».
Toutes les vendanges sont manuelles. Un tri méticuleux est effectué directement dans les parcelles par les vendangeurs. Ainsi, il n’y a aucun raisin pourri ou pas assez mûr qui rentre à la cave. Tout est trié sur place.

Jeune vigneron aussi talentueux que discret, Mikaël Bouges est très attaché au travail de sa vigne et de sa terre :  « Je suis tout seul au domaine pour effectuer toutes les tâches, hors vendanges. Je ne prends par conséquent pas le temps de beaucoup communiquer sur mes vins ou de faire des salons car ce serait du temps en moins passé dans mes vignes. Je devrais peut-être, mais c’est là que je me sens bien… »

Le goût du terroir

« Pour moi le vin c’est l’expression d’un sol à travers une variété de vigne, un cépage. »

Mikaël s’attache à faire transparaitre dans ses vins toute la richesse du terroir duquel ils sont issus : “Le vin doit avoir le goût du raisin mais doit aussi avoir le goût de son sol, sinon, ça n’a pas d’intérêt. Moi ce que j’aime dans le vin, c’est quand il y a vraiment ce côté fruits et qu’après la bouche est profonde, qu’on sent que les racines ont plongé dans le sol pour extraire au maximum les minéraux qui sont à cet endroit. »

« La plupart de mes rouges sont exposé plein sud, ce qui confère au côt une belle maturité et une belle souplesse aussi. Les blancs, eux, sont plutôt exposé au nord ce qui leur amène une belle fraîcheur»

Des vins bien élevés

Les jus issus de jeunes vignes sont élevés en cuve pendant six mois pour les blancs et un an pour les rouges, avant d’être mis en bouteille.
Toutes les cuvées parcellaires sont élevées en futs de chêne de 500 litres durant 12 à 18 mois, ce qui représente un élevage plutôt long pour l’appellation.

La gamme de vins produite par Mikaël est assez large et complète. Elle va du blanc sec tranquille au rouge séveux et confit, en passant par du pétillant naturel ou encore du rouge léger et friand… On notera notamment ces quelques cuvées exceptionnelles :

  • Le clos du Chevreau : Vieilles vignes de sauvignon situées à Saint Julien, sur sols Argilo-calcaires.
    «On est sur des terroirs qui donnent beaucoup de minéralité et apportent de la finesse aromatique et une bonne longueur en bouche avec de jolis amers nobles ».
  • Water l’eau : Cépage 100 % menu pineau issu d’un sol composé de graviers sur calcaire. Vignes d’une cinquantaine d’années. Côté très mûre en attaque de bouche suivi d’une belle minéralité qui fait la trame du vin. Un an d’élevage en fût.
  • Les Côts Hauts : Cuvée 100 % côt issue de vignes d’une quinzaine d’années. « L’idée est de faire une cuvée de fruits, assez facile à boire, un rouge léger et gourmand mais avec de la matière, ce que permet le côt ».
  • Les Couilles d’Ânes : Cuvée de côt sur des arômes de fruits frais, avec une belle longueur en bouche. Issue d’une parcelle exposée sud-ouest, située dans une cuvette qui concentre la chaleur avec des galets noirs (d’où le nom de la cuvée) qui permettent d’apporter une belle maturité au raisin.
  • La Pointe du Coteau : un 100% gamay à la texture fine et aux tanins fondus. Une gourmandise d’une grande finesse qui peut rappeler certains cabernet-francs de Saumur parmi les plus célèbres…
  • Les Cormiers : Cuvée de cabernet franc concentrée. Grosse matière soyeuse sur les fruits rouges confits et taillé pour la garde.
  • Aigue-Vives : 100 % côt. Exposition plein sud dans un clos qui donne un vin assez séveux avec beaucoup d’élégance et de finesse dans les tanins.

Cuvées Mikaël Bouges

Une bande de copains

Mikaël Bouges fait partie de cette nouvelle génération de vignerons passionnés qui travaillent à redonner des couleurs à une appellation Touraine dont l’image commençait un peu à être usée, faute d’ambition et d’audace. Le sursaut qualitatif et le choix d’identifier des parcelles permettent de mettre en avant toutes les nuances et la richesse des terroirs de Touraine. Le mouvement est en marche, comme le prouve d’ailleurs le collectif Les Vins du Coin, groupe de vignerons du Loir-et-Cher dont fait partie Mikaël Bouges et qui tient salon tous les ans au mois de novembre. L’occasion idéale de le rencontrer, lui qui se fait rare en dehors de son domaine.