Rencontre avec Mathieu Cosme (AOC Vouvray)

Mathieu Cosme - Vigneron à Noizay

C’est à Noizay que nous sommes allés rendre visite à Mathieu Cosme et Fabien Brutout, jeunes vignerons et artisans du renouveau de l’appellation Vouvray.

Située à l’Est de Tours, au nord de la Loire, l’aire d’appellation de Vouvray s’étend sur 8 communes (voir la carte). Forte de ses presque 2200 ha, l’appellation Vouvray a longtemps joui d’une notoriété importante en France, mais aussi à l’étranger, notamment pour ses « Fines bulles » (mousseux) qui représentent plus de la moitié de la production, le reste étant destiné à produire des blancs tranquilles, secs, demi-secs, moelleux ou liquoreux.

Une AOP à réveiller

Depuis, l’eau a coulé sous les ponts de la Loire, et l’AOC, réticente au renouvellement de ses pratiques culturales et à la remise en cause de son positionnement de gamme, accuse depuis plusieurs années une perte d’image conséquente.

Dans le même temps, certains vignerons ont décidé de s’installer avec une approche différente, misant sur la qualité plutôt que le volume à tout prix.

Dans la lignée de domaines vouvrillons historiques comme le Clos Naudin (Philipe Foreau) ou encore Huët, connus pour le sérieux et la qualité de leur production, certains jeunes vignerons ont décidé de réveiller l’appellation. Le Domaine Mathieu Cosme en fait partie et c’est donc à Noizay, que nous sommes allés rendre visite à Mathieu Cosme et Fabien Brutout.

Fabien Brutout - Vigneron à Noizay - Domaine Mathieu Cosme

Fabien Brutout – Associé de Mathieu Cosme

Les “côtes” de la Loire

Tout d’abord, en ce jour ensoleillé de décembre, rien de mieux qu’un petit tour dans les vignes avec Fabien (associé à Mathieu Cosme depuis 2013) afin de découvrir les différents terroirs et parcelles qui composent les 10 ha du domaine. Les parcelles de chenin blanc, seul cépage autorisé en AOC Vouvray, ne sont pas d’un seul tenant mais restent relativement proches les unes des autres, toutes situées sur la commune de Noizay. Il est d’ailleurs étonnant de constater le relief important des sols et le caractère vallonné qui ferait presque se sentir dans un paysage vosgien plutôt que ligérien.

On peut distinguer 3 principaux types de sols, tous exposés plein sud :

Situés sur les 1ères côtes (les plateaux situés à fleur de coteau, le long de la loire), des sols d’argile à silex légèrement limoneux, comme pour la parcelle « les Enfers », ou encore « Les Perrets », plutôt sur sol argilo-calcaire qui apporte au vin « de la richesse et une aromatique sur les fruits confits les belles années».

Un peu plus au nord et en retrait de la Loire, les 2èmes côtes permettent de produire des vins plus secs, tendus et minéraux, sur des sols argilo-calcaires également, mais beaucoup plus profonds (cuvée “les Promenards”).

Nous profitons de cette balade viticole pour nous arrêter dire bonjour aux deux chevaux de trait qui broutent paisiblement dans leur pré. Retour ensuite au chai pour une dégustation de la gamme des vins du domaine toujours avec Fabien et Mathieu qui nous rejoint, tout juste sorti de ses vignes (la pré-taille se termine).

Un peu d’histoire

La préparation de la dégustation accompagnée d’un petit casse-croûte de charcuteries et fromages locaux est l’occasion de faire un petit point historique avec Mathieu.

« Je suis la 5ème génération à la tête du domaine familial. Les deux premières générations ayant surtout œuvré à l’acquisition, le défrichement et l’entretien des terres, situées pour la plupart sur des anciennes mines de silex, c’est surtout mon grand-père qui a planté les vignes à partir des années 60 ».
Son BTS « viticulture et œnologie » en poche et après avoir travaillé au célèbre Domaine Huët à Vouvray, Mathieu Cosme décide de reprendre les rênes du Domaine de Beaumont (le domaine familial) en 2005. Son frère Florent, plus jeune, va lui travailler chez Vincent Carême et créera son propre domaine en 2011.

Jusqu’à peu, Mathieu était encore en contrat avec la cave coopérative de Vouvray à qui il fournissait quelques raisins. Mais il réserve à présent la totalité de ses raisins à sa propre production.

Mathieu Cosme - Vigneron à Noizay

Dégustation des cuvées du domaine avec Mathieu et Fabien

Dès le début de son installation, le souhait de Mathieu était de renouer avec les méthodes de travail ancestrales qui ont eu tendance à être oubliées à partir des années 70 au profit d’une mécanisation généralisée et d’une course au rendement.
La démarche a débuté en achetant des charrues dès 2002 afin de retravailler les sols, dans un premier temps sur les parcelles  isolées (Promenards, Enfers, Perrets) puis sur l’ensemble du domaine à partir de 2007. Parallèlement, il décide dès 2010 de cultiver son vignoble en suivant les méthodes biologiques, commençant une conversion bio administrative en 2014 pour une certification au millésime 2017.

Toujours dans le même esprit de tradition, les vendanges sont manuelles et les élevages, pour la plupart conduits en barriques, peuvent dépasser les 12 mois sur certaines cuvées comme  « les Enfers » ou « les Perrets ».

L’aventure du Facteur

C’est en 2008 que Fabien Brutout rejoint Mathieu Cosme au domaine, à temps partiel d’abord, puis à temps plein à partir de 2011.

Leur vision commune du travail ainsi que leur bonne entente les amènent à concrétiser une idée germée lors d’un diner avec des clients/amis/cavistes belges en 2013. Cela donnera lieu à la création d’une nouvelle gamme de cuvées, complémentaire à celle du domaine, et dont Fabien a la charge principale des vinifications : « Le Facteur ».

Pour Fabien, « Le Facteur est une sorte de laboratoire qui nous permet d’expérimenter des choses avec beaucoup de liberté et en cherchant plus le côté « nature » que sur les autres cuvées du domaine, plus précises et rodées et sur lesquels Mathieu sait exactement où il veut aller ».

Le Facteur Su'L'Vélo - Mathieu Cosme

Il en ressort notamment un pétillant naturel (La Bulle du Facteur) ainsi qu’un sec-tendre au nom évocateur : « Le Facteur su’ l’ vélo », qui rappellera aux plus cinéphiles les tournées arrosées du facteur Jacques Tati dans « Jour de fête ».

La dégustation

Autour d’un casse-croûte improvisé, Mathieu et Fabien nous présentent les cuvées du domaine. Des bulles au liquoreux en passant par les secs et sec-tendres, chaque vin possède sa propre identité, avec pour fil rouge une très belle matière, des jus mûrs et concentrés, ce qui rend la gamme d’une grande cohérence. Si certaines cuvées peuvent être bues rapidement, d’autres, comme “Les Enfers”, gagneront en complexité et en finesse à la garde : le potentiel de vieillissement de ce vin sec nous a semblé particulièrement élevé.

Voir la dégustation en vidéo :

Un bande de copains

Devant la qualité des vins dégustés, le soin apporté à la vigne et la réelle passion qui anime ces jeunes vignerons, on ne peut que se réjouir pour l’avenir. Une dynamique très forte est en train de se mettre en place à Vouvray parmi la nouvelle génération, bien décidée à prendre sa place dans un marché du vin en pleine mutation où la qualité, le respect du terroir et la conscience environnementale l’emportent sur la quantité et le rendement à tous prix.

Entourés de toute une bande de copains vignerons travaillant dans le même esprit (Michel Autran, Tanguy Perrault et Anne-Cécile Jadaud, Florent Cosme…) et qui n’hésitent pas à s’entraider joyeusement, Mathieu Cosme et Fabien Brutout ont toutes les cartes en main pour devenir l’un des domaines incontournables de l’AOP Vouvray.

Mathieu Cosme, Fabien Brutout, Michel-Autran - Vignerons

Mathieu et Fabien avec Michel Autran pendant la mise en bouteille