Pour beaucoup encore aujourd’hui, le nom “Muscadet” évoque ce “petit vin” léger, acide et perlant à boire avec des huîtres ou en kir pour accompagner les cacahuètes et crackers lors du pot de départ en retraite du collègue de bureau ou encore du Vin d’honneur offert par le Maire à ses administrés. Pourtant, la réalité du Muscadet est toute autre et l’appellation est en pleine mutation depuis de nombreuses années. Poussée par des vignerons passionnés et dotée d’un cépage unique (le melon de Bourgogne) et de terroirs aussi variés qu’exceptionnels, l’AOP a toutes les cartes en mains pour s’imposer au niveau national et mondial. Parmi les précurseurs, qui depuis longtemps ont décelé le fort potentiel qualitatif des vins du Muscadet, la famille Luneau-Papin fait figure de référence dans la région.
une histoire de famille
Situé au cœur du Muscadet, entre le Landreau et la Chapelle Heulin (44), le domaine tel qu’il existe actuellement a été créé dans les années 90 quand Pierre Luneau et Monique Papin ce sont installés suite au départ à la retraite de leurs parents respectifs.
En couple, ils ont alors rassemblé les deux domaines familiaux pour créer le domaine Luneau-Papin. Celui-ci se compose donc de parcelles issues de la famille Luneau, plutôt situées autour du Landreau, et d’autres issues de la famille Papin, principalement autour de la Chapelle Heulin.
Après avoir terminé ses études, leur fils, Pierre-Marie, les rejoint sur le domaine en 2005 et prend la charge de la cave à partir de 2007. C’est un an plus tard, que les vies professionnelles de Pierre-Marie Luneau et Marie Chartier vont se croiser et amener cette dernière à intégrer le domaine entant que responsable de la partie commerciale et communication. Trois ans de collaboration professionnelle qui se transformeront en une belle relation personnelle puisqu’elle aboutira à leur union en 2011.
En 2013, alors devenus parents, Pierre-Marie et Marie Luneau décident de reprendre la totalité du domaine.
Le domaine
Le domaine Luneau-Papin emploi dix salariés à temps plein ainsi que des saisonniers pour effectuer les travaux spécifiques (taille de la vigne, vendanges…).
Au domaine, on travaille les vignes selon les principes de l’agriculture biologique et de la biodynamie depuis 2013, date du début de conversion bio. « Aujourd’hui, sur les 42 hectares de vignes, environ deux tiers sont certifiés en agriculture biologique pour un objectif de reconversion totale sur le millésime 2018 ».
« Les Pays de la Loire c’est la région la plus dynamique en terme d’agriculture biologique, et ça, c’est super positif ! Ça montre que c’est possible, même dans un climat océanique qui est quand-même plutôt humide (rires), avec deux cépages emblématiques, la Folle Blanche et le Melon de Bourgogne, qui ont des grappes très denses qui prennent facilement le mildiou…» s’enthousiasme Marie.
Presque 70% des raisins sont vendangés à la main, principalement pour les cuvées parcellaires. Pour ce faire, le domaine emploie 50 à 60 personnes pour les vendanges qui se déroulent généralement sur deux semaines.
Les bonnes années comme 2009, 2010, 2014 ou 2015, les rendements peuvent atteindre en moyenne 45 hl par hectare sur l’ensemble du domaine (sachant que l’AOP Muscadet-Sèvre-et-Maine limite les rendements à 55 hectolitres par hectare). Malheureusement, les conditions météorologiques des deux dernières années ont été plutôt défavorables, en amputant une grande partie de la récolte, à cause du mildiou en 2016 et du gel en 2017. Cela se traduit par des rendements plus proches des 20 hl/hectare que du maximum autorisé.
La gamme des vins se compose de onze cuvées de muscadets, une folle blanche, deux vins de cépage issus de gamay, rouge et rosé, et une méthode traditionnelle.
Des vins de terroir
La région du muscadet est l’une des plus riches de France d’un point de vue géologique avec une grande variété de sous-sols. Suivant les parcelles, les vignes reposent ainsi sur du schiste, du granite, du micaschiste, des gneiss, de la serpentinite… Autant de roches qui transmettent à la vigne des caractéristiques bien spécifiques et propres à chacunes d’elles : « Nous avons la chance d’avoir un cépage peu aromatique qui laisse toute sa place au terroir et permet de révéler au mieux la richesse et la qualité des sols ».
C’est ainsi que la gamme des vins Luneau-Papin est constituée : hormis les première cuvées qui sont des assemblages de parcelles, les cuvées parcellaires correspondent à des types de sols et de terroirs bien identifiés, pour certains depuis plusieurs dizaines d’années (La cuvée “Pierres Blanches”, par exemple, est issue d’un terroir déjà isolé et vinifié à part par la famille Papin).
On peut citer entre autres :
- La cuvée “Terre de Pierre” (créée en 2008), située sur la Butte de la Roche, dont le sol est composé de serpentinite
- La Cuvée “L d’or” provient de sols de granite
- Les “Pierres Blanches” sont cultivées sur un terroir de gneiss
- Le “Clos des Allées” est sur un terroir de schiste
- “Vera Cruz” et “Excelsior” sont quant à elles issues de vignes situées sur un bassin de micaschiste.
Tous ces différents terroirs ont été identifiés pour la plupart par Pierre et Monique Luneau-Papin. C’est dans cette optique de reconnaissance de terroirs spécifiques et de qualité que de nombreux vignerons travaillent depuis plus de vingt ans à la création au sein de l’appellation Muscadet-Sèvre-et-Maine de mentions communales appelées “crus communaux”. À ce jour, l’INAO en reconnait trois : Clisson, Gorges, Le Pallet. D’autres suivront ou sont en attente de validation (Monnières-Saint-Fiacre, Goulaine, Château-Thébaud, Mouzillon-Tillières, Vallet et Lahaye-Fouassière). Pierre Luneau fait partie de ceux qui se battent depuis des années pour l’officialisation du cru communal “Goulaine”, un terroir de micashiste qui tient son nom de l’affluent de la Loire éponyme, et dont la cuvée “Excelsior” est issue.
La fierté d’une appellation
Le muscadet représente environ 8000 ha en appellation Muscadet et 5000 ha en appellation de cépages, du nord de l’appellation (Coteaux d’Ancenis) en passant par Sèvre et Maine et Côte de Grandlieu plus au sud.
Si une grande partie des vignerons vend encore sa production au négoce, souvent d’ailleurs « …à un prix dérisoire permettant juste de survivre… » précise la jeune vigneronne, d’autres en revanche ont choisi de suivre une autre voie en travaillant sur la mise en avant des terroirs et la diversité des parcelles. Ainsi, jeunes et moins jeunes s’attachent à remonter l’image de l’appellation dans l’opinion publique et à faire évoluer les mentalités en prouvant que le Muscadet peut produire de grands vins. Ils sont aidés en cela par un intérêt grandissant de la part des journalistes et professionnels du vin et de la gastronomie qui commencent à découvrir depuis quelques années le beau potentiel des vins du Val de Loire à l’intérieur duquel la région du muscadet tient une bonne place.
Ce qui frappe, tout au long de notre rencontre avec Marie Luneau, c’est la passion et l’enthousiasme avec lesquels elle parle des vins du domaine, certes, mais aussi et surtout de l’appellation Muscadet dans son ensemble, mettant en avant l’implication, le dynamisme et la grande solidarité qu’il existe entre vignerons, mais également avec les autres acteurs locaux : restaurateurs, cavistes, artisans… La région bouillonne d’enthousiasme et de projets communs, comme par exemple “L’é.Paulée Nantaise“, créé à la suite des intempéries de 2016, et dans lequel Marie Luneau est très impliquée. Le concept : des dîners solidaires chez les restaurateurs partenaires qui soutiennent les vignerons du Muscadet en mettant leurs vins à l’honneur.
Des muscadets de gastronomie
Le domaine Luneau-Papin, comme d’autres domaines du Muscadet (Jo Landron, domaine de l’Écu, Michel Brégeon et bien d’autres…) travaille depuis longtemps en étroite collaboration avec les plus grands chefs du monde entier. “Pour notre part, nous travaillons avec environ soixante-dix chefs étoilés. C’est un aspect qui n’est pas bien connu du grand public qui bien souvent associe uniquement le Muscadet aux huîtres. Les chefs sont alors nos meilleurs ambassadeurs en mettant nos vins à la carte de leurs restaurants pour prouver qu’ils peuvent être associés à des plats de gastronomie».
Un grand merci à Marie Luneau pour son accueil plein de chaleur et d’enthousiasme !